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ETUDE DE JURISPRUDENCE : LA BONNE TENUE DES DOSSIERS PATIENTS DANS LES TRANSPORTS INTERHOSPITALIERS

ETUDE DE JURISPRUDENCE : LA BONNE TENUE DES DOSSIERS PATIENTS DANS LES TRANSPORTS INTERHOSPITALIERS

Publié le : 12/12/2025 12 décembre déc. 12 2025
Source : www.legifrance.gouv.fr
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 17/04/2025, 22VE02608
Faits :

Monsieur H. G. âgé de cinquante-six ans, s'est présenté aux urgences du centre hospitalier de Saint-Amand-Montrond le 19 mai 2016 souffrant « d'une dyspnée évoluant depuis quinze jours et présentait des signes de bronchite spastique avec décompensation cardiaque ».

A son arrivée dans l'établissement, Monsieur H. G. a indiqué être allergique à la pénicilline. « En l'absence d'amélioration clinique malgré la mise en place d'un traitement associant aérosols, diurétiques et vasodilatateurs, il a été décidé une intubation orotrachéale, une mise sous ventilation mécanique et une sédation ainsi que le transfert du patient au centre hospitalier de Bourges ».

Le 20 mai 2016. Monsieur. H. G. a alors été admis au sein du service de réanimation du centre hospitalier de Bourges, où il lui a été prescrit 2g d'amoxicilline/acide-clavulanique toutes les huit heures. Monsieur. H. G. a alors présenté une hypotension artérielle brutale et une bradycardie extrême. N'ayant pu être réanimé, son décès a été constaté le jour même.

Le rapport d'expertise établit que le décès de Monsieur. H. G. est directement lié « au choc anaphylactique survenu à la suite de l'injection par voie intraveineuse de deux grammes d'Augmentin, antibiotique composé notamment d'amoxicilline, substance dérivée de la pénicilline à laquelle le patient était allergique ».

L’expert ajoute que « cette injection a été réalisée au sein du service de réanimation du centre hospitalier de Bourges où Monsieur. H. G. alors sédaté, venait d'être transféré, alors qu'il avait signalé son allergie au service des urgences du centre hospitalier de Saint-Amand-Montrond où il avait été initialement pris en charge ».

Procédures :

Par un jugement du 19 septembre 2022, le tribunal administratif d'Orléans, évaluant la perte de chance d'éviter le décès de Monsieur. H. G à 100% et estimant que la charge de la réparation incombait aux deux établissements à part égale, a condamné le centre hospitalier de Saint-Amand-Montrond et le centre hospitalier de Bourges, à verser, aux demandeurs des dommages intérêts.
Les centres hospitaliers de Saint-Amand-Montrond et de bourges relèvent appel de ce jugement

Discussion :

Aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, la responsabilité des établissements de soins et des personnels de santé est engagée dans l’hypothèse où la faute médicale est démontrée ainsi que son lien de causalité avec le dommage.: « Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ».

Concernant la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Amand-Montrond :
Sur la faute de l’établissement, la Cour d’appel a constaté que la prise en charge de Monsieur H. G. au service des urgences du centre hospitalier de Saint-Amand-Montrond a donné lieu à l'élaboration d'une fiche médicale individuelle sur laquelle il n’était porté aucune mention concernant l'allergie du patient à la pénicilline, et qu’aucune une fiche récapitulative de prise en charge faisait état de cette allergie.

La cour d’appel relève également que si le centre hospitalier Saint Amand soutient avoir transmis ces deux documents au SMUR lors du transfert du patient, cette affirmation est cependant contredite par le compte-rendu d'hospitalisation au centre hospitalier de Bourges, qui mentionne expressément « Antécédents / Non connus / Histoire de la maladie / Pas de courrier du CH ST AMAND, double difficile à lire de l'observation médicale du CH ST AMAND »

S'agissant du lien de causalité et de la perte de chance, la cour observe que l'injection à Monsieur H. G. d'un antibiotique auquel il était allergique conduisant à son décès est due à la perte d'information relative à cette allergie.

La cour précise également que dans l’hypothèse où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement est la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu.

En conséquence le défaut d’information a un lien direct et certain avec le décès, quand bien même le centre hospitalier n’aurait procédé à l’injection du produit.

Concernant la responsabilité du centre hospitalier de Saint-Amand-Montrond :
Sur la faute, la cour a observé que le SMUR de Bourges n'a pas pris le soin de noter sur sa feuille d'intervention l'ensemble des antécédents principaux du patient, notamment l'allergie litigieuse. La cour a également jugé que l'absence de courrier médical aurait dû conduire le réanimateur de l'hôpital de Bourges à recontacter son confrère de Saint-Amand-Montrond pour évoquer le cas de M. G.

Sur la base de ces éléments, la cour a donc jugé que le centre hospitalier a commis une faute en procédant à l’injection de la pénicilline à un patient allergique, quand bien même il l’ignorait en raison de l’absence de transmission de ces informations au moment du transfert de Monsieur H. G. La Cour va même jusqu’à considérer que l’absence des éléments dans le dossier du patient aurait dû alerter les soignants et « conduire le réanimateur de l'hôpital de Bourges à recontacter son confrère ».

Ainsi, l’ignorance de l’allergie du patient est fautive parce qu’il est établi des manquements dans la transmission des informations dans le dossier du patient.
Il faut aussi noter que la Cour juge que le fait d’injecter un produit médicamenteux avec un dossier patient comprenant des lacunes dans les informations devant y figurer constitue une faute.

Cette jurisprudence « plaide » une fois de plus en faveur de la bonne tenue et transmission des dossiers patients notamment dans les transferts interhospitaliers.

 
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